Quand on évoque le cycle du carbone dans les océans, c’est le plancton qui vient immédiatement à l’esprit. Mais des travaux publiés dans Nature le 27 août suggèrent que le rôle des virus a été amplement sous estimé. Après avoir étudié 232 échantillons de sédiments recueillis à grande profondeur, une équipe internationale (Italie, France, Etats-Unis) conclue que les virus sont la principale cause de mortalité des micro-organismes vivant au fond des océans, avec des taux de mortalité proche de 100% au delà de mille mètres de profondeur.
Selon les chercheurs, on dénombre pas moins de 4000000000000000000000000000000 (4×1030) virus dans les océans. Quand les bactéries décèdent de mort naturelle, elles sont consommées par des organismes plus grands. Mais quand elles succombent à un virus, elles explosent et libèrent leur carbone dans l’eau, ce qui le rend utilisable pour nourrir d’autres bactéries. Un mécanisme qui accélère le cycle du carbone dans les océans. Les virus sont la première cause de production de matière organique à grande profondeur.
La vie abyssale reste largement méconnue, tant les conditions d’études sont difficiles à grande profondeur, et pourtant elle représente environ 10% de la biomasse vivant sur notre planète. Dans ce monde inhospitalier pour l’homme, des pressions gigantesques règnent (par exemple, trois cent fois la pression atmosphérique à 3000 mètres), qui obligent les chercheurs à déployer du matériel considérable pour aller chercher et remonter des échantillons et les étudier sans modifier les caractéristiques de leur environnement. Financés par l’Union européenne dans le cadre du projet HERMES (1), les travaux portent sur des profondeurs de 165 à 5000 mètres.
Au delà d’une meilleur connaissance des conditions de vie sous la surface des océans, les chercheurs insistent sur le rôle de ces virus dans la séquestration naturelle du carbone dans les océans. Aujourd’hui, les modèles de prévisions climatiques ne tiennent pas compte de l’intense production de carbone provoquée par les virus sous-marins. Pour espérer mieux comprendre le cycle du carbone, il faudra donc en savoir plus sur la spectaculaire bataille que se livrent virus et bactéries dans les abysses.
(1) Hermes: Acronyme anglais de Recherches sur les points chauds des écosystèmes aux marges des eaux européennes.
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